L’accès à l’eau potable – un droit à créer pour les personnes vulnérables

L’Union européenne vient d’adopter une directive concernant l’eau potable à la fin de l’année 2020. Il s’agit de la “Directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine”. Elle a pour objectif de “garantir l’accès à l’eau destinée à la consommation humaine pour les groupes vulnérables et marginalisés”. Par cette directive, l’Union Européenne veut donc faire naître un nouveau droit – celui de l’accès à l’eau potable – destiné aux personnes les plus démunies. Dans quelques pays, comme la Suisse ou la France, des compagnies privées se sont arrogées les droits d’exploitation de sources d’eau potable et c’est une véritable question fondamentale qui se trouve ainsi au cœur du débat public. De rares pays, comme la Slovénie en Europe, ont inscrit un droit d’accès à l’eau potable dans leur Constitution. Face aux défis présentés par le réchauffement climatique et la diminution des ressources en eau potable, c’est donc une tendance lourde qui se dessine, imprimant sa marque dans le droit et, en conséquence, dans l’économie.
Ce sont les États qui doivent identifier les personnes appartenant à ces catégories de personnes pour ensuite leur permettre de bénéficier d’équipements extérieurs ou intérieurs d’eau potable accessibles dans des espaces publics afin de leur permettre de s’alimenter en cet élément indispensable à la vie. Cette mesure vient à point nommé pendant cette crise sanitaire mondiale du COVID-19, mais on peut se demander comment elle pourrait être mise en œuvre alors que tous les États se sont empressés à couper l’accès aux quelques infrastructures d’eau potable existantes dans les parcs ou les espaces publics, au prétexte que ces équipements pourraient transmettre le coronavirus. Comment des personnes pauvres ou démunies, sans abri par exemple, seraient-elle supposées survivre sans eau même en étant protégées de la transmission du virus ?
La Directive européenne prévoit que ce droit ou plutôt sa mise en œuvre devra être proportionnée à la nécessité de telles mesures en tenant compte des conditions locales.

Dans tous les cas, cette Directive entrera en vigueur en 2023, et jusqu’alors l’identification des personnes appartenant à ces groupes vulnérables et marginalisés devra avoir été achevée par les États-membres. Ces catégories de personnes pourront alors engager des procédures en justice si elles ne disposent pas d’un accès à l’eau suffisant. Un droit qui même s’il est important de le créer et de l’ouvrir à des bénéficiaires désignés, encore faudra-t-il qu’ils puissent en jouir. Car comment une telle personne démunie trouvera-t-elle les informations et les ressources financières pour ester l’État en justice en cas de carence, alors qu’elle ne peut pas avoir un toit au-dessus de la tête ? Il est ainsi parfaitement envisageable que cette initiative ne reste que lettre morte, ne pouvant être appliquée en réalité.
Enfin, théoriquement, ces personnes pourront alors prétendre à la fourniture gratuite des équipements pour l’alimentation en eau dont ils auraient besoin. Ainsi, elles gagneront au moins un droit opposable aux autorités publiques à être alimentées en eau à boire en les obligeant à ne plus agir comme si ces personnes démunies n’existaient pas. Il en est ainsi pour les aires aménagées pour les gens du voyage, dont la création et l’entretien ont été rendues obligatoires en France et qui aident de nombreuses populations précaires et nomades à mener une vie décente et avoir un accès à l’hygiène la plus basique.
En France, si vous ne le savez pas déjà, plus d’un million de personnes se trouvent dans ces catégories vulnérables et marginalisées et sans doute que la crise sanitaire que nous traversons ne fera qu’agrandir leur nombre. Elles pourront, au moins au niveau légal, bénéficier d’un meilleur accès à l’eau à condition que l’État et les communes concernées s’impliquent davantage dans la mise en place de ce genre d’équipements dont toute société humaine devrait disposer.